J’ai encore un peu de mal à trouver une raison valable à mon périple. Qu’est-ce que je veux prouver ? Qu’un point blanc a aussi son importance ? Tout le monde s’en moque ! Cela fera sourire et puis après ? Que les prolétaires peuvent trouver du sens à des œuvres abstraites ? Qu’ils peuvent apprécier autre chose qu’un daim s’abreuvant à l’orée d’un bois ? Ce ne sont pas eux qui évaluent la cote d’un artiste et qui achètent des œuvres. Alors ?
Je crois que c’est un cocktail de différentes raisons. La récompense promise par Damien Hirst est l’une des motivations mais n’était pas suffisante lorsque j’avais lu l’article sur le net. La blessure narcissique peut en être une autre suite à la remarque de ma covoitureuse qui, d’ailleurs, ne cherchait pas à être désobligeante. Mon appétence pour les défis pourrait également être un élément déclencheur. Mais il y a aussi certainement la révolte car je refuse de rester dans ma case sociale et je refuse encore plus d’en dégringoler l’échelle alors que je n’en avais effleuré que les premiers échelons.
Dans Lorsque j’étais une œuvre d’art, d’Eric-Emmanuel Schmitt, un suicidaire est rattrapé in extremis par un artiste qui en fait une œuvre d’art pour l’utiliser et l’exposer en le modifiant à sa guise. Cependant, l’œuvre d’art reprend goût à la vie et s’émancipe de son créateur pour vivre son propre destin. Je crois que je mène, à mon niveau, cette bataille d’émancipation ; non pas en me considérant comme une œuvre d’art – ce serait vraiment très présomptueux - ni comme suicidaire - ce serait trop d’importance donnée à la vie - mais comme celui qui veut libérer des points anonymes sur une grande toile dessinée par Damien Hirst et Larry Gagosian.
Dommage que le grand public ne connaisse pas suffisamment Damien Hirst (faites donc un micro trottoir et vous verrez…) car il serait surpris par la manière dont il joue des codes funèbres et par son humour macabre. Pourrait-il en être autrement lorsqu’il ressuscite un anonyme du 18ème siècle en ornant son crâne de diamants à l’instar d’un Hamlet, prenant le crâne de Yorick : « Hélas, pauvre Yorick, je l’ai connu Horatio ! Un garçon d’une verve infinie, d’une fantaisie exquise […] », et redonne une valeur à une vie qui n’en avait certainement pas à l’époque de sa forme initiale? Le crâne serait-il la métaphore de la mort sociale, symbolique et culturelle d’un inconnu qui, ironiquement, a aujourd’hui une valeur marchande incroyable ? Je ne veux pas être le crâne d’un collectionneur dans deux siècles mais avoir une valeur reconnue de mon vivant ! Et j’invite tous les Yorick de la terre à se donner la main comme le chantait le barde William Duteil.
Mais j’y pense est-ce que ce ne seraient pas les collectionneurs qui achètent l’œuvre et qui décident de la valeur de leurs achats ? Plus c’est cher, plus c’est inaccessible et le prix augmente car le nombre de privilégiés pouvant se permettre d’acheter l’œuvre diminue? Et plus il y a de chômeurs, moins on les indemnise car leur nombre augmentant, leur valeur diminue ! CQFD. La solution serait donc que chaque chômeur devienne une œuvre d’art et qu’il se trouve un collectionneur. M. Pinault peut-être ? Personnellement il ne me déplairait point de vivre au Palazzo Grassi à Venise. C’est plus sympa que l’île Seguin où je n’aurais pas voulu aller. Etre voisin des Ceccaldi-Raynaud à Puteaux : quelle vulgarité. Autant côtoyer les bovins dans le formol de Damien Hirst!
Enfin pourquoi ce blog ? Pour donner un sens supplémentaire que Tweeter ne permet pas, pour partager les observations et les réflexions d’un « point blanc » sur la visite de galeries afin de regarder l’art par une lorgnette originale et différente de celle proposée par IKEA et ses reproductions dans son rayon décoration. Tous les veaux n’habitent malheureusement pas un palais décoré avec goût par M.FIAC alias M.FNAC !
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