Au Moyen-âge, le carnaval permettait pendant un laps de temps très court de faire ce qui, habituellement, était interdit. Il permettait aussi de prétendre être quelqu’un d’autre. Un bouffon pouvant devenir roi ou le contraire. Le carnaval permettant ainsi d’asseoir le pouvoir de ceux qui, le reste du temps, ne le partageaient pas. En fait, on pourrait même se demander si les élections démocratiques ne sont pas directement inspirées de cette pratique moyenâgeuse : un carnaval, puis ensuite un bouffon ou un roi - on ne sait plus trop - et rien ne change.
Pour une raison qu’il m’est difficile d’expliquer, on est souvent pour ou contre ; sans réel discernement. On est contre la mayonnaise sur le gruyère dans un sandwich au pain de mie, mais on est pour le beurre salé étalé sur une baguette tiède accompagnant un bon camembert au lait cru. On est en général contre les poils disgracieux sous les aisselles féminines, mais on est pour la retouche Photoshop parce que le rêve est toujours mieux que la réalité. On est pour l’abattage industriel de bovins mais contre celui des ovins dépecés de manière halal (ou casher) avant leur grand saut dans l’au-delà gastronomique. A chacun sa polémique.
En ce qui me concerne, je suis contre la journée de la femme car cette mascarade dédiée au sexe faible est proche de la symbolique moyenâgeuse. On lui octroie une journée pour ne rien modifier les 364 autres jours de l’année.
L’accueil d’Alexandra dans la galerie Gagosian de Genève fut exceptionnel. Pour la dernière étape de mon périple elle m’offrit du champagne et je ne boudai pas mon plaisir d’en siroter plusieurs coupes. Après lui avoir remis la nouvelle destinée à Damien Hirst « A white spot on the dole » (malheureusement totalement fictionnelle) ainsi que le petit livre pour enfant «Put me in the zoo » (voir le blog « Panthère à pois ou papier calque ? »), nous discutâmes, avec le couple anglo-japonais qui terminait aussi son circuit ce jour là, d’art et de voyages. Au cours de notre discussion Alexandra nous tendit un très beau livre d’une artiste qui m’était inconnue, Cecily Brown. Je fus surpris par son travail de grande qualité (décidemment Larry Gagosian conjugue l’art des affaires avec goût). Son inspiration semblait provenir de combats féministes dont les hommes n’ont pas conscience lorsqu’ils n’expriment pas leur identité en termes de domination ou de journées commémoratives expiatrices.
Cecily Brown peint des scènes érotiques très suggestives aux couleurs presque menstruelles et des nus d’hommes à ranimer la libido de lecteurs de «Têtu» ou de lectrices de « Elle ». Comme Eros luttant contre Thanatos, son travail figuratif met en scène des attirances macabres et des pulsions de vie.
Toute surprise ou nouvelle émotion déclenchant chez moi une poussée de réflexion, je tentai de me placer dans une perspective féministe et, même si je pensai, a priori, plutôt à El Greco et à ses scènes de purgatoire où l’homme est réduit à l’état de chair et d’objet, je me souvins aussi du travail d’Orlan opposant « l’Origine de la Guerre » à « l’Origine du Monde » de Courbet. L’homme, pour Orlan, étant vecteur de guerre même si le sujet poilu de son tableau incite probablement plus la reproduction qu’à la guerre…
Découvrir qu’il pourrait y avoir un mouvement artistique féministe est, pour moi, aussi nouveau que de m’intéresser - d’abord par révolte, certes, puis par réel intérêt - à l’art contemporain. D’ailleurs, la lutte des femmes pour leur émancipation est tout aussi justifiée que les révoltes sociales quelles qu’elles soient, car rien n’est acquis sans combat. A cet égard, le tableau « Judith décapitant Holopherne » d’Artemisia m’est aussi aimable que la lecture du bulletin de santé de Maggy Thatcher officialisant enfin sa sénilité. Dommage que ses décisions politiques n’aient pas été diagnostiquées plus tôt comme une dégénérescence des neurones mais associée à un vent de libéralisme économique profitable pour le monde. On a vu...
Et n’en déplaise aux féministes et à Orlan, Maggy était bien une femme. Ce qui tendrait à prouver que la soif du pouvoir serait un moteur bien plus puissant que l’opposition supposée des sexes. L’émancipation de la femme serait-elle en fait une bataille pour partager le pouvoir ou rechercher l’égalité ?
A Genève, la plupart des œuvres exposées de Damien Hirst contenaient dans leur titre le vocable « household », ce qui se traduirait par « ménage » ou « famille ». Un ménage (masculin), une famille (féminin). Comme « household », les points n’ont pas de genre, leur dynamisme s’exprime parce qu’ils sont ensemble et ne s’opposent pas. Les chiennes de garde mènent sans doute un combat louable mais j’ai parfois l’impression que leur lutte est sexiste alors que leur « ennemi » n’est pas l’homme mais le système qui permet aux dominants (dont beaucoup de femmes) de renforcer leurs pouvoirs de domination.
Je suis contre la journée de la femme comme je serais contre celle de l’homme, si elle existait. Que cela soit dans l’art, souvent plus proche d’une réalité non modifiée par Photoshop ou dans une lutte émancipatrice, l’égalité ne doit pas être restreinte à 24 heures de présence médiatique ou le risque serait de les transformer en une journée parfaitement hypocrite. En un carnaval.
Egalité des sexes O O O
Carnaval O O O
Photoshop O O O
Art féministe O O O
Après ces quelques pensées désorganisées remontant en bulle à la surface de mon esprit, Alexandra me resservit une troisième coupe de champagne, et nous demanda de trouver un mot, une signature ou un message que Damien Hirst apposerait, avec sa signature, sur l’œuvre qu’il nous offrirait. Je choisis « Rrose Sélavy » (Eros c’est la vie), pseudo de Marcel Duchamp.
Petit à petit, au cours de mes pérégrinations socio-politico-artistiques, je m’étais rendu compte que j’étais devenu une sorte de « ready made ». J’avais détourné un objet ordinaire (moi) en quelque chose qui se mouvait, réfléchissait et agissait de manière à ce que l’image du chômeur Rmiste s’estompe ou intrique parce qu’il ne correspond pas à la case qui lui est habituellement assignée. Duchamp rebaptisait un urinoir en fontaine et, par ce seul changement, l’objet devenait une œuvre d’art. Par ma seule volonté, je transformais un chômeur ayant fêté son 1000ème envoi de CV sans réponse en critique d’art, en voyageur, en romancier, en observateur, en écrivain, en humaniste, en chroniqueur.
Si je devais économiquement et socialement disparaître, sort qui devrait être naturellement le mien, mon épitaphe serait « Ici gît un point blanc qui s’est battu jusqu’au bout ». Mais je bouge encore car je veux encore croire qu’Rrose Sélavy. Sans distinction de sexe, sans opposition, quelque soit sa couleur et au-delà d’une journée dans l’année. Ai-je tort ? Quel sera finalement mon sort ? Celui de tous les autres points blancs?
Pour une raison qu’il m’est difficile d’expliquer, on est souvent pour ou contre ; sans réel discernement. On est contre la mayonnaise sur le gruyère dans un sandwich au pain de mie, mais on est pour le beurre salé étalé sur une baguette tiède accompagnant un bon camembert au lait cru. On est en général contre les poils disgracieux sous les aisselles féminines, mais on est pour la retouche Photoshop parce que le rêve est toujours mieux que la réalité. On est pour l’abattage industriel de bovins mais contre celui des ovins dépecés de manière halal (ou casher) avant leur grand saut dans l’au-delà gastronomique. A chacun sa polémique.
En ce qui me concerne, je suis contre la journée de la femme car cette mascarade dédiée au sexe faible est proche de la symbolique moyenâgeuse. On lui octroie une journée pour ne rien modifier les 364 autres jours de l’année.
L’accueil d’Alexandra dans la galerie Gagosian de Genève fut exceptionnel. Pour la dernière étape de mon périple elle m’offrit du champagne et je ne boudai pas mon plaisir d’en siroter plusieurs coupes. Après lui avoir remis la nouvelle destinée à Damien Hirst « A white spot on the dole » (malheureusement totalement fictionnelle) ainsi que le petit livre pour enfant «Put me in the zoo » (voir le blog « Panthère à pois ou papier calque ? »), nous discutâmes, avec le couple anglo-japonais qui terminait aussi son circuit ce jour là, d’art et de voyages. Au cours de notre discussion Alexandra nous tendit un très beau livre d’une artiste qui m’était inconnue, Cecily Brown. Je fus surpris par son travail de grande qualité (décidemment Larry Gagosian conjugue l’art des affaires avec goût). Son inspiration semblait provenir de combats féministes dont les hommes n’ont pas conscience lorsqu’ils n’expriment pas leur identité en termes de domination ou de journées commémoratives expiatrices.
Cecily Brown peint des scènes érotiques très suggestives aux couleurs presque menstruelles et des nus d’hommes à ranimer la libido de lecteurs de «Têtu» ou de lectrices de « Elle ». Comme Eros luttant contre Thanatos, son travail figuratif met en scène des attirances macabres et des pulsions de vie.
Toute surprise ou nouvelle émotion déclenchant chez moi une poussée de réflexion, je tentai de me placer dans une perspective féministe et, même si je pensai, a priori, plutôt à El Greco et à ses scènes de purgatoire où l’homme est réduit à l’état de chair et d’objet, je me souvins aussi du travail d’Orlan opposant « l’Origine de la Guerre » à « l’Origine du Monde » de Courbet. L’homme, pour Orlan, étant vecteur de guerre même si le sujet poilu de son tableau incite probablement plus la reproduction qu’à la guerre…
Découvrir qu’il pourrait y avoir un mouvement artistique féministe est, pour moi, aussi nouveau que de m’intéresser - d’abord par révolte, certes, puis par réel intérêt - à l’art contemporain. D’ailleurs, la lutte des femmes pour leur émancipation est tout aussi justifiée que les révoltes sociales quelles qu’elles soient, car rien n’est acquis sans combat. A cet égard, le tableau « Judith décapitant Holopherne » d’Artemisia m’est aussi aimable que la lecture du bulletin de santé de Maggy Thatcher officialisant enfin sa sénilité. Dommage que ses décisions politiques n’aient pas été diagnostiquées plus tôt comme une dégénérescence des neurones mais associée à un vent de libéralisme économique profitable pour le monde. On a vu...
Et n’en déplaise aux féministes et à Orlan, Maggy était bien une femme. Ce qui tendrait à prouver que la soif du pouvoir serait un moteur bien plus puissant que l’opposition supposée des sexes. L’émancipation de la femme serait-elle en fait une bataille pour partager le pouvoir ou rechercher l’égalité ?
A Genève, la plupart des œuvres exposées de Damien Hirst contenaient dans leur titre le vocable « household », ce qui se traduirait par « ménage » ou « famille ». Un ménage (masculin), une famille (féminin). Comme « household », les points n’ont pas de genre, leur dynamisme s’exprime parce qu’ils sont ensemble et ne s’opposent pas. Les chiennes de garde mènent sans doute un combat louable mais j’ai parfois l’impression que leur lutte est sexiste alors que leur « ennemi » n’est pas l’homme mais le système qui permet aux dominants (dont beaucoup de femmes) de renforcer leurs pouvoirs de domination.
Je suis contre la journée de la femme comme je serais contre celle de l’homme, si elle existait. Que cela soit dans l’art, souvent plus proche d’une réalité non modifiée par Photoshop ou dans une lutte émancipatrice, l’égalité ne doit pas être restreinte à 24 heures de présence médiatique ou le risque serait de les transformer en une journée parfaitement hypocrite. En un carnaval.
Egalité des sexes O O O
Carnaval O O O
Photoshop O O O
Art féministe O O O
Après ces quelques pensées désorganisées remontant en bulle à la surface de mon esprit, Alexandra me resservit une troisième coupe de champagne, et nous demanda de trouver un mot, une signature ou un message que Damien Hirst apposerait, avec sa signature, sur l’œuvre qu’il nous offrirait. Je choisis « Rrose Sélavy » (Eros c’est la vie), pseudo de Marcel Duchamp.
Petit à petit, au cours de mes pérégrinations socio-politico-artistiques, je m’étais rendu compte que j’étais devenu une sorte de « ready made ». J’avais détourné un objet ordinaire (moi) en quelque chose qui se mouvait, réfléchissait et agissait de manière à ce que l’image du chômeur Rmiste s’estompe ou intrique parce qu’il ne correspond pas à la case qui lui est habituellement assignée. Duchamp rebaptisait un urinoir en fontaine et, par ce seul changement, l’objet devenait une œuvre d’art. Par ma seule volonté, je transformais un chômeur ayant fêté son 1000ème envoi de CV sans réponse en critique d’art, en voyageur, en romancier, en observateur, en écrivain, en humaniste, en chroniqueur.
Marcel Duchamp avait créé à New York une revue appelée « The blind man » dans laquelle il mélangeait d’un ton humoristique différents sujets comme la philosophie, la littérature ou l’art. A mon petit niveau, d’abord inconsciemment puis sciemment, je m’étais attaché à élargir le champ des sujets traités par le plasticien parce que l’Homme - sans distinction de sexe - est aveugle ; parce que les points de Damien Hirst sont des inscriptions en braille pour des aveugles qui voient en couleur.
Assis dans une rame de métro newyorkais, je m’étais morfondu en regardant les tombes blanches de l’anonymat et avait regretté que nous ne fûmes pas capables d’avoir des épitaphes plus originales: «Je vous l’avais bien dit que cela se terminerait mal», pour le pessimiste, «A bientôt» pour le pisse-froid ou «Vie éternelle au royaume des cieux» pour l’indécrottable naïf. Duchamp choisit d’avoir pour épitaphe « D’ailleurs, c’est toujours les autres qui meurent ». Si je devais économiquement et socialement disparaître, sort qui devrait être naturellement le mien, mon épitaphe serait « Ici gît un point blanc qui s’est battu jusqu’au bout ». Mais je bouge encore car je veux encore croire qu’Rrose Sélavy. Sans distinction de sexe, sans opposition, quelque soit sa couleur et au-delà d’une journée dans l’année. Ai-je tort ? Quel sera finalement mon sort ? Celui de tous les autres points blancs?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire